14 octobre 2008

« Le monument aux oiseaux »

Posté par Paul dans la catégorie : ingrédients musicaux; l'alambic culturel .

Vous connaissez ?
Je crois que c’est ma chanson préférée de François Béranger.

« Voilà le bonheur
On ne l’attendait plus çui là
Qui me transforme
En gros ballon de joie… »

Cinq ans jour pour jour que Béranger est parti, bien trop tôt, au paradis des musiciens où il a rejoint d’autres magiciens et d’autres troubadours comme Jehan Jonas, Bobby Lapointe ou Marc Robine, pour n’en citer que quelques uns parmi tant d’autres. Certains vont trouver que je pousse un peu côté « nécrologie » cette semaine. C’est comme ça : les hasards du calendrier. Et puis Béranger, ça fait un moment que je voulais en parler ici. J’avais commencé à écrire une chronique au printemps, au moment où est sorti le disque hommage produit par le collectif « tous ces mots terribles ». Il paraît qu’il y a de très bonnes interprétations sur ce CD. je ne l’ai pas encore acheté car j’ai du mal à entendre du Béranger sans la voix rocailleuse qui m’était devenue familière. Ce qui est drôle aussi, c’est que, contrairement à d’autres chanteurs, je ne suis jamais allé le voir en concert. La faute à des copains… Ils m’avaient dit que « sur scène, il était pas très à son aise et plutôt décevant ». Possible, mais on ne devrait pas prendre à son compte les opinions des autres car, depuis, j’ai entendu bien d’autres sons de cloche et j’ai un peu des regrets…

Béranger et ses chansons, c’est une vieille histoire pour moi. C’est son premier « tube » (façon de parler !), en l’occurence « Tranche de vie », qui me l’a fait découvrir. C’était en juillet 71, la manif contre la construction de la centrale de Bugey, au pont de Chazey. Comme beaucoup d’autres j’avais répondu à l’appel de Pierre Fournier et de sa bande de potes, dans Charlie (à l’époque où ce journal était vraiment un journal satirique et non la chambre d’enregistrement des grincements de Philippe Val). J’avais tellement peur de manquer l’événement que je m’étais pointé plusieurs jours avant pour donner un coup de main au groupe de joyeux lurons qui préparaient l’arrivée des mille, dix mille, cent mille… manifestants. On n’avait aucune idée du retentissement qu’aurait l’appel à la mobilisation qui était lancé. Le soir, c’était plutôt ambiance « feu de camp » et il y avait un gars qui interprétait « tranche de vie » en s’accompagnant à la guitare. C’était un truc composé par un illustre inconnu mais ça m’avait bien « accroché ». Les soirées étaient plutôt fraîches et on se chauffait en brûlant un stock de poteaux Edf qui se trouvait sur place. Je m’en rappelle comme si c’était hier. C’était la caricature de bien des situations que j’allais connaître par la suite : une douzaine de braves gars et de braves filles en train de se marrer en buvant des bons coups, et deux militants, très responsables, débattant à quelques mètres de là pour savoir si c’était une bonne chose de brûler ces poteaux, et si l’image de marque des manifestants n’allait pas en être ternie auprès des « populations locales ». J’espère que ces deux futurs politiciens ont trouvé chez « les verts » la place qui leur était due. En ce qui concerne le bûcher, le striptease du professeur Choron (l’intégrale, je confirme !) l’a quelque peu éclipsé par la suite ! La chanson « tranche de vie », elle, a continué à trotter dans ma tête pendant le long voyage en stop qui m’amenait de Bugey aux fins fonds de la Bretagne, mais ceci est une autre histoire !

D’autres chansons de François Béranger m’ont ensuite profondément marqué : « la fête du temps », « ça doit être bien », « pour ma grand-mère », « le monde bouge »… J’aimais bien (et j’aime toujours) sa façon de chanter l’utopie, de proposer la vision d’un monde un peu plus souriant que celui dans lequel nous nous débattons. Cela ne l’empêchait pas de dénoncer aussi les injustices et les tares de cette société ; pour cela, il suffit d’écouter des chansons comme « Mamadou » ou « tous ces mots terribles ». Un militant, certes, mais surtout un poète, jouant avec les mots et avec les notes comme un peintre avec son pinceau de soie. François Béranger rêvait d’un monde meilleur et gueulait contre les pollueurs, les exploiteurs, les nantis de tout poil dont le cœur est étouffé par un matelas de billets :
« Vous êtes les plus forts

Mais tous vous êtes morts
Et je vous emmerde. »

Ô combien on a envie de lire, d’entendre, de déclamer, de hurler des phrases comme celle-là et combien cela soulage, dans ces temps de non-vie et de cynisme institutionnalisé ! Béranger a composé plus d’une centaine de chansons en trente ans de carrière. Si on ne l’entendait guère dans les médias (certaines radios ont attendu le dénouement tragique de son cancer pour diffuser quelques chansons de lui), on le rencontrait dans de nombreux concerts de soutien à une lutte ou à une autre. Son dernier disque est un hommage à Félix Leclerc : il y a peut-être bien une certaine ressemblance entre ces deux hommes. D’autres ont rédigé de bien belles biographies de François… Là n’est pas mon propos. Je crois que je vais vous laisser et que je vais retourner admirer « le monument aux oiseaux » : derrière le brouillard, des lambeaux de ciel d’un bleu laiteux apparaissent et promettent une belle journée.

« …Peut-être en y croyant encore
Vais-je m’envoler très loin de mon corps
Jusqu’au monument aux oiseaux
Suspendu entre deux eaux
Dans le ciel”

La chanson « le monument aux oiseaux » a été écrite en 1971 . Elle figure dans le disque « ça doit être bien » qui est son deuxième. Elle est inspirée du tableau du peintre Max Ernst portant le même titre.

4 Comments so far...

fred Says:

14 octobre 2008 at 15:18.

Râââ François BERANGER ! Moi aussi j’adore ! Je ne savais pas que nous partagions ce point commun ô grand ZIHOU ! Comme toi, j’ai encore en tête ses ritournelles, la liste est longue entre « tous ces mots terribles », « tranche de vie », ma préférée « Participe Présent » et même la tubesque « Natacha ». Même sa version des « Prisons de Nantes » me faisait frétiller ! Tiens ! pour la peine, ce soir je ressortirai mes vieux vyniles pour me goinfrer de nostalgie. (mais sans pisser sur la télé !)

Clopine trouillefou Says:

15 octobre 2008 at 12:00.

Ben la devise de mon blogounet c’est :

« j’en suis encore à m’demander
Après tant et tant d’années
A quoi ça sert de vivre et tout
A quoi ça sert en bref d’êt’né »

par contre, pour atténuer un peu le portrait dithyrambique de Paul, je ferai remarquer quand même que Béranger était souvent un peu rude, assez rebutant en concert. la relation avec son public était parfois rugueuse. je me souviens d’un concert (vers la fin, hein, moi je n’étais pas là au début, je vous parle après 1981) où des canettes de bière avaient « giclé » sur scène, et où le chanteur, les ramassant, les avait renvoyées aux expéditeurs ! Faut dire qu’il avait traité son public de « gros connards », à la suite d’un sifflement importun… Ecorché vif, le François – un côté Pialat déclarant « je ne vous aime pas ».

Mais « tranche de vie » est formidable, et aussi « Pierre espédel, quarante trois ans aux fraises et pas toutes mes dents ».

Certains autres textes sont moins pertinents, à mon goût, parfois excuse-moi Paul mais je le pense alors je le dis « un peu faciles » mais les chanter à tue-tête est toujours plaisant, parce que… nostalgie, quoi, quand tu nous tiens !

N’empêche que ce n’est certes pas un hasard si mon blog est sous-titré du grand François !

fred Says:

15 octobre 2008 at 13:08.

Je rejoins un peu l’avis Clopine sur le père François. Quelquefois, il était un peu « limite » avec son public. Perso, c’est sa 1ère période sur laquelle j’accroche le plus. J’avais commencé à déserter à partir de sa croisade pour la CB. Ce n’était pas à l’époque le « combat » le plus évident à vouloir défendre … personne n’est parfait ! quand on a pressé le citron ….

Paul Says:

15 octobre 2008 at 13:35.

Bon, bon, aux aveux… Je fais référence à la première période Béranger, celle avec des musiques un peu « trad » ou « folk » selon le terme qu’on voudra bien choisir. Les derniers disques, je les connais peu ou mal. D’accord avec Clopine pour reconnaître qu’il y a des textes un peu faciles, mais ça je lui pardonne parce qu’il n’y a pas que ça et que l’ensemble est plutôt bien équilibré. Le militantisme n’exclue pas la poésie et vice versa.
Le comportement « un peu limite » du père Béranger en scène, les copains m’en avaient parlé et je reconnais ne pas m’être trop apesanti là-dessus. Comme je le signale dans la chronique, je ne l’ai jamais vu en spectacle, donc je n’ai pas d’opinion personnelle là-dessus. Je sais que d’autres gens trouvaient sa « prestation » tout à fait correcte, mais comme je fréquente beaucoup d’anciens combattants, peut-être s’agit-il d’impressions sur les premiers concerts. Je crois que tout cela appartient au « vécu » du personnage et contribue à son portrait. Cela ne remet nullement en cause mon attachement sentimental à certaines de ses ritournelles.
Amitiés à vous d’avoir lu et commenté !

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