4 février 2011
EDF et les énergies renouvelables ? un mauvais poème
Posté par Paul dans la catégorie : Feuilles vertes; Humeur du jour .
Licenciements massifs chez Photowatt principal fournisseur français de panneaux photovoltaïques
Il est un scandale que les médias, du moins ceux qui font autre chose que de frétiller de la queue à la moindre déclaration gouvernementale, avaient dénoncé en son temps : du côté de la filiale énergies renouvelables d’EDF, les dépenses étaient supérieures en matière de publicité et de communication qu’en matière de recherche… Du genre « vous vous rendez compte de tout ce que je pourrais faire ! (si j’en avais une quelconque envie) ». Cela a eu pour conséquence qu’en 2009, EDF a reçu le prix Pinocchio, décerné par l’ONG « Les amis de la terre », pour sa campagne de pub « changer l’énergie ensemble », exemple type de ce que nos amis écologistes baptisent le « greenwashing » (moi j’utiliserais l’expression « laver plus vert que vert », mais il faut dire que je suis allergique à l’emploi massif des anglicismes !). La récompense était bien méritée puisque, selon Les Amis de la Terre, la part du budget recherche consacrée aux énergies renouvelables par EDF n’était que de 2,1 % du budget total recherche & développement. Pour être plus précis encore, la campagne de pub avait coûté 10 millions d’euro…, le budget recherche énergies renouvelables se montant à 8,9 millions. Encore serait-il intéressant d’analyser un peu plus en détails l’utilisation du budget de cette filière, et de se pencher sur l’enthousiasme que témoigne EDF (autrement que sur des affiches) à promouvoir les énergies renouvelables. Plongeons un peu dans l’actualité récente par exemple.
Un article paru dans la presse régionale ce matin fait état de licenciements massifs, à Bourgoin Jallieu (non loin de chez moi) dans le personnel de la société Photowatt. Cette information est en grande partie à l’origine de ce billet d’humeur qui mijotait déjà dans ma cervelle depuis l’augmentation récente des tarifs de notre principal fournisseur d’électricité … Pour comprendre un peu cette affaire, et la réaction des délégués du personnel au comité d’entreprise, il est nécessaire de creuser la question… Photowatt est actuellement la seule société en France maitrisant les principales étapes de la filière photovoltaïque, du traitement du silicium à la construction des panneaux. Depuis quelques temps, la société est soumise à une concurrence acharnée, principalement de la part des pays asiatiques, en particulier de la production chinoise dont les coûts sont particulièrement bas. La direction de la société Photowatt s’appuie essentiellement sur cette donnée commerciale pour justifier la liquidation de 331 emplois de production sur un total de 671. Elle annonce par ailleurs une délocalisation partielle en Pologne, pour profiter des salaires très bas accordés aux travailleurs dans ce pays. Rien de bien original malheureusement dans tout cela : il suffit d’ouvrir le journal ou d’écouter la radio tous les matins. Ce qui vient compliquer un peu la donne, c’est le secteur très particulier et plutôt méconnu dans lequel se produit cet « ajustement économique ». Petit historique… Il y a quelques années de cela, j’avais déjà entendu le directeur de la société faire part de son intention de délocaliser, peut être en Afrique du Nord. Il ne s’agissait pas, à l’époque, de réduire les coûts de production car les prix étaient très élevés et la concurrence moindre, mais de diminuer les frais de transport des produits finis. L’entreprise vendait plus des deux-tiers de sa production à l’étranger, le marché français étant très peu demandeur. Depuis, la situation a évolué dans les deux sens : forte demande locale, notamment à cause des crédits d’impôts proposés ces dernières années, particulièrement avantageux pour les particuliers (du moins pour ceux qui ont réussi à les utiliser correctement – de nombreux margoulins ayant opéré sur ce secteur) et chute des prix, comme indiqué, en raison de la concurrence.
Cette annonce résonne comme un coup de canon sur le marché de l’emploi industriel local déjà fort malmené et provoque la colère des ouvriers/ouvrières et des militants/tantes de la CFDT, principal syndicat dans l’entreprise… Vous allez me dire « mais quel est le rapport avec EDF dans cette affaire ? » Un peu de patience… Selon les délégués syndicaux, le fonctionnement de l’entreprise est parfaitement rentable, et il ne s’agit, une fois de plus, que d’une recherche de bénéfices supplémentaires… Il y a toutefois un bémol à ce bilan positif. Photowatt possède une filiale de recherche dénommée PV Alliance, et qui, elle, a du mal à progresser et à être véritablement profitable… Il se trouve que PV Alliance est une société dont le capital est partagé entre Photowatt, le CEA (n’oubliez pas ce que signifie le A dans ce sigle) et… EDF énergies renouvelables. PV Alliance travaille sur la mise au point d’une nouvelle technologie photovoltaïque, une innovation importante, marquant une rupture sensible avec les produits proposés notamment par les industriels chinois. Le Comité d’Entreprise accuse l’un des partenaires de cette alliance stratégique de ne pas vraiment jouer le jeu… Vous vous doutez qu’il s’agit du dernier de la liste, bien entendu, connu comme un ardent défenseur (cf plus haut) de tout de qui touche au solaire. Je vous rassure, il y a fort peu de chances que l’augmentation de tarif dont vous bénéficiez depuis peu, en raison des coûts élevés du rachat de l’électricité photovoltaïque (!?!), ait des retombées positives sur les salariés de Photowatt…
Selon les mêmes sources (CFDT dépêche Reuters rédigée par Benjamin Mallet et Elisabeth Pineau), les délégués de la CFDT reprocheraient également à la direction une fuite organisée du savoir-faire de leur entreprise : « Le groupe a monté une unité de montage en Ontario en passant un partenariat avec Q-Cells qui fait fabriquer les cellules en Malaise et ils sont venus chercher le savoir-faire à Bourgoin-Jallieu »… On peut se demander quel jeu jouent actuellement les actionnaires principaux de Photowatt. Au cours des six dernières années la société, considérée comme l’une des meilleures dans son secteur, a progressivement perdu de la vitesse, passant du 12ème rang mondial au 72ème. A titre de comparaison, sa production annuelle de panneaux calculée en MW de rendement n’est que de 57 MW face aux 1250 MW du géant chinois Suntech. Face à l’ensemble du problème des énergies renouvelables, on peut se demander également quel jeu joue le gouvernement français. Les salariés ont demandé un rendez-vous au ministre de l’industrie (un fervent partisan du nucléaire, rappelez-vous un article récent de la Feuille sur la valse des ministères) et à notre bon président. Ils tiennent à rappeler à ce dernier l’une de ses promesses « écologiques » de campagne : « mettre un euro pour le photovoltaïque, pour un euro dans le nucléaire ». Ce genre de fanfaronnades, s’il n’était pas aussi lourd de conséquences, prêterait encore une fois à sourire pour quiconque connait un tant soi peu le dossier et la force du lobby Areva-Edf en France. Le gâteau énergétique est d’importance et le nombre de vautours attirés par la proie considérable.
Solaire, Eolien, Gaz de Schiste, renouveau du parc nucléaire, les enjeux énergétiques qui vont se poser dans un futur proche pour notre pays ont une importance considérable. Cela seul justifierait que le problème soit présenté au premier plan dans les médias. Ce n’est bien entendu pas le cas. Il n’est nullement question d’un quelconque débat citoyen dans ce domaine, et les manœuvres se déroulent dans la plus grande discrétion, chacun poussant son pion en avant avec le maximum de sournoiserie et d’énergie possibles. La tache des médias alternatifs est de prime importance. Si l’on commence à parler du « problème » de l’exploitation des gaz de schiste quelques mois seulement après avoir distribué aux multinationales, dans le secret le plus total, un certain nombre de permis de prospection, c’est parce quelques esprits bien ou mal tournés (selon les points de vue) se sont acharnés à faire suffisamment de bruit sur la question. Les choix énergétiques et industriels (parmi tant d’autres) devraient être l’une des préoccupations essentielles des citoyens de ce pays, et non l’occasion pour quelques responsables politiques affairistes de ne s’occuper que de la gestion de leurs intérêts personnels. Pour conclure cette chronique de « mauvaise » humeur, allez donc faire un tour sur le site du Réseau « Sortir du nucléaire » vous y trouverez de nombreuses informations sur les dernières manœuvres en date d’un lobby nucléaire décidé – plus que jamais – à imposer ses vues sur la question. Les gourous du nucléaire agitent leurs marionnettes. Il n’y a qu’à voir la toute aussi récente que scandaleuse campagne de pub d’Areva destinée à présenter le choix du nucléaire comme une simple formalité… Le bilan carbone soi-disant positif permet de faire passer tous les autres problèmes à la trappe, y compris celui des déchets radioactifs . Quoi d’étonnant, à l’heure où la plus grande partie des réacteurs de nos centrales arrivent en fin de vie et où il va être question de leur renouvellement… En matière énergétique, la plus grande vigilance s’impose avant que la France ne se couvre de pustules EPR et qu’on en prenne pour 50 ans minimum (déjà que 5 ans de Sarkozy c’est long !).
Le personnel de Photowatt à Bourgoin a bien du souci à se faire quand on voit comment la France défend son tissu industriel et comment nos gouvernants tiennent leur promesse. Nul ne sait encore quel sort l’avenir immédiat leur réserve. Espérons qu’ils arriveront à préserver leurs emplois. L’avenir du photovoltaïque en France n’est pas encore assuré, et le maintien de filières de production importantes encore moins. Il faut se garder de toutes parts tellement les mauvais coups que nous réserve ce maudit gouvernement (comme diraient nos amis québecois) sont nombreux. Seule une mobilisation citoyenne importante peut permettre de faire un peu le ménage et d’avancer dans le bon sens en ce qui concerne les questions qui nous préoccupent. Après tout, il est d’autres pays où l’immobilisme est battu en brèche et où l’on peut espérer que la situation va évoluer rapidement…
NDLR – Illustrations – crédit photos 1 , 2 Photowatt – photo 3 Suntech – photo 4 Le Post –
6 Comments so far...
la Mère Castor Says:
5 février 2011 at 11:46.
Oups, que faire ? A part utiliser ce bon vieux bulletin de vote le moment venu.
Clopin Says:
5 février 2011 at 21:37.
Qu’est-ce que tu veux que je rajoute à çà ? Ca me dégoute ! Et je suis bien placé pour savoir de quoi tu parles avec mes panneaux Sunwatt installés depuis 2000 avec un tarif de rachat minable… Je fais suivre aux copains de l’ARBRE !
Paul_38420 Says:
6 février 2011 at 15:29.
Merci pour cet article très intéressant. Dommage qu’il ne soit pas plus médiatisé.
Quelques petites corrections et remarques sur la forme:
EDF-ENR = EDF Energies Réparties, filiale à 50% d’EDF et d’EDF-EN (Energies Nouvelles)
EDF est aujourd’hui à l’origine (avec ERDF, avec les relais politiques à la botte) du sentiment anti-PV en France (ça coûte cher ! Ca sert à rien chez nous ! On a de l’énergie quand on en a pas besoin ! etc…), qui malheureusement prend dans l’opinion.
Saviez-vous que le C.E.A. se fait maintenant appeler: Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives ? … Ils sont forts quand même ! 😉
Isabelle Rambaud Says:
10 février 2011 at 12:48.
Bonjour Paul,
Je suis absolument navrée d’utiliser votre blog pour vous communiquer un message qui ne demande pas de publication mais qui vous demande tout simplement et la mort dans l’âme de supprimer le lien aimable que vous aviez inscrit sur votre blog pour citer le mien, les RV des patrimoines. Il est en effet depuis le 8 février l’objet d’un piratage lamentable : toutes mes chroniques ont été effacées et… remplacées par 2 messages à la gloire du Front national ! Mais mon nom, ma photo sont maintenues et malheureusement je ne peux plus accéder à la gestion du site… J’ai déposé plainte contre X et l’affaire suit son cours. La presse locale (Parisien du 10/02) s’en est emparé, très bien je dois dire.
Toute ceci est désolant et je suis effectivement très en colère contre ces manœuvres éhontées : atteinte à la vie privée (au passage inutile de m’adresser des messages sur ma messagerie , inaccessible…), à la liberté d’expression etc… Mais je me bats et vous rappelle au passage que le piratage relève du Code pénal (art. 323-1 et 323-3). Vous pouvez l’afficher sur votre site !
Merci de votre écoute Isabelle
Lavande Says:
10 février 2011 at 18:53.
Ahurissant! Je suis allée voir: je n’aurais pas cru qu’une telle malhonnêteté soit possible!!!
Il faut qu’Isabelle dépose ce message sur plein de blogs (si ce n’est fait).
En plus son blog était très intéressant.
Espérons qu’elle obtiendra réparation rapidement